"Mais bordel ce que tu peux avoir la tête dure !"
Je m'affale dans les scories, épuisé par tant de paroles inefficaces. On toussote un peu, le temps que l'air retombe lentement. Je tente un maximum de me tenir sérieux devant son visage peu à peu découvert : un éventail émaillé d'un blanc correcteur, au centre d'une patate carbonisée. Il pouffe aussi, sans doute encouragé par l'effet miroir, et la tension s'écroule. J'accompagne mon "oh t'es con" d'une tape clavicule amicale.

"Haroun, je veux bien que le parallélisme du théâtre t'ai échappé. Je vois ça bien plus collossal. Bon, dégage le Colisée, si tu veux on peut l'appliquer à ce cratère, là, sauf qu'on ne verrait pas les bords, imagine."
Il lève la tête, perplexe, et fixe un point au sommet.
"Mwai... allons-y."
Une fois dépassé la corniche, et joué au chien des Ingalls sur les pentes intérieures, on décidait de refaire un sitting parmi les fumerolles. Au fond d'un soupir de contentement, il lâche :
"Tu sais, je l'ai vu tout petit ce volcan."
A mon tour j'accompagne son panoramique affuté, s'acrochant globalement à chaque détail. Une éternité contemplative étalonne nos horloges. Par certains côtés, il me rappelle Sol de Soylent Green, et ce moment pourrait être un remake géologique de la scène de la bouffe.
Quelques strates plus haut, un petit cailloux dégringole maladroitement, nous dépasse, et termine son pélerinage-suicide dans le lac d'acide par un "plouf". La vie, quoi.
- Ben tiens, qu'est-ce qu'il y aurait au fond de ton entonnoir ?
- Justement, ça me dirait bien qu'il y ait un trou, histoire que ça reparte de l'autre côté. Quand je disais dimension tout à l'heure, je pensais surtout à echelle. Alors t'vois, t'avance, ton intégrité parait constante, mais d'un référentiel extérieur le canal gonfle ou rétréci, et toi avec. Ce qui fait que dans l'espace général, des croisements, des raccords peuvent s'effectueur avec un minimum de masse. Hop, une petite zone, des noeuds, pleins de canaux différents, voire même parallèles. Hey faut pas se leurrer, dans le multivers aussi le terrain coute cher, alors paf, des économies d'énergie, du recyclage, de la mise en commun... et... et...
Je me fige un instant, le temps de comprendre que mes doigts n'arrivent pas non plus à me suivre dans la représentation physique de l'exposé. Haroun sourit comme un grand-père norvégien.
- Huhuhu... et... des chips ?
- Mais Wai !!!
- Et tu marques ce genre de choses sur ton site, là ?
- Ah... nan, nan.

Les braises des pipes rougeoyaient dans le soir tombant, une pipistrelle tombée du lit voletait sans grand appétit. On était un jeudi, il était cinq heures de l'après-midi.

Nonante-quatre kilomètres par heure en ambulance. Le rétroviseur droit s'aiguise sur le crépi comme une pelle Gouvy sur un rail de sécurité. Jamais les tubes fluorescents des vitrines n'ont réfléchi à cette vitesse. Stroboscope sur mes mains fusionnées au volant gigantesque, crénelé à l'usinage ou usé à la sueur des paniques, qu'importe. Il faut que ça défile, allez ! On rectifie la position de conduite, calé à l'equerre, mieux que ça ! Voilà, visage détendu, on sourit aux passants décalcomaniés sur le pare-brise. Maintenu bien parallèle aux linéaires des façades, le Vito fait grande allure, limite clâssieux, tel le roi du trottoir et sa cour d'enseignes arrachées brinquebalantes à ses trousses. Il étincelle de feux d'artifices à chaque passage piéton lorsque le chassis rencontre les bordures béton. Il henni, se cabre, décolle de quelques centimètres. Petite manipulation purement esthétique, je m'étire en diagonale dans la cabine et baisse manuellement la vitre opposée. J'aime l'alternance sonore des murs et des intersections, l'onde du roulement, gomme contre enrobés, des surfaces proche et des vides perpendiculaires. La rectitude n'étant plus assurée que d'une main, ma trajectoire dévie de la largeur d'une poussette, et je teste grandeur nature la renversabilité du poteau Atlas. Après quelques secondes de marchandage, un virage finit par être négocié à en s'en déchausser les Pirelli. Mes rêves s'évadent pendant la manoeuvre, et me confirment le réel gain de temps pour Superman si Pont-à-Mousson s.a. équipait Niourk en sécurité incendie. Je jette un coup d'oeil dans l'habitacle arrière, légèrement embué par la célérité, et vérifie si le monde et sa perfusion encaissent les chocs et secousses. Le hurlement de la sirène est de nouveau trop présent, je sens mes nerfs cogner de plus belle et perler à mon front. Oh. Tiens. Je craque. Je ne trouverai jamais l'hôpital.

Toi aussi, fais de kek la nouvelle bingirl.

J'ai été des voir des gens, c'était super trop bien, et puis je suis rentré.

(en ce moment les sous sont un peu comme les bombardements, affectant toutes mes poches et pourtant pas vraiment nécessaires)